Décidément, Audiard et les Cahiers, ça n’a jamais été et ce ne sera jamais une grande histoire d’amour. Hier, les ricanements anticommunistes de l’homme à la casquette ( qui ne se souvient de l’évocation par Gabin-Maréchal dans Le cave se rebiffe des "kolhozes fleuris" censés remplacer les lupanars d’antan, synonymes de débauches bourgeoises ?) faisaient tousser les rédacteurs de l’époque Narboni-Comolli en plein aveuglement maoïste. Aujourd’hui, bien "reprise en main" par Jean-michel Frodon , l' équipe des critiques « altermondialistement » bien-pensant des Cahiers du Cinéma n'est toujours pas prête à réhabiliter «le plus célèbre des dialoguistes français» . Dans le numéro de mars, Jean- Pierre Rehm chroniquant la sortie d’un coffret Gaumont consacré aux quatre films qu’il a réalisés y va à son tour d’une diatribe assassine. Plus de vingt ans après sa mort, le scénariste de Mortelle randonnée se fait « repasser » une seconde fois.
On ne peut nier à M. Rehm un certain brio dans le maniement de la massue (« Musée Grévin de la facétie langagière, méchante gesticulation à blanc, l’ancienne verve se laisse observer, expérience de laboratoire, virtuose remisée en cabine de studio ») même s’il est lui aussi adepte de ce jargon fatiguant qui montre bien que décidément, aux Cahiers , on n’est pas là pour rigoler (« Classe bavarde [ la petite bourgeoisie qui s’est approprié Audiard] mais sourde aux autres. , et à elle, qui ne sait plus quelle intelligence, quelle ruse du soumis y loger ( ????) »). Audiard échappe de peu à l’épithète coutumière de pétainiste mais pas à la rengaine de la « France rance », toujours prête à resservir à la moindre blague misogyne ou homophobe.
C’est ce type d’arguments qui pendant longtemps m’a empêché de savourer sa gouaille. Petit soldat de l’éducation citoyenne, je ne pouvais pas, je ne devais pas succomber aux répliques cyniques du « p’tit cycliste ». Et puis, partant du principe que les plaisirs coupables sont souvent les meilleurs, je me suis laissé aller. Du Rouge est mis au Cavaleur en passant par Un taxi pour Tobrouk, j’ai rattrapé le temps perdu, béat devant tant de mauvais esprit et de répliques assassines.
Hier, en regardant L’incorrigible ( philippe de Broca, 1975), je repensai aux griefs de Rehm ( « mysoginie usante, mépris dispendieusement distribué à tous ») et je me disais que les films dialogués par Audiard n’avaient pas tous si mal vieilli que ça ( soyons honnêtes, la réalisation de De Broca y est évidemment pour quelques chose, allégeant ce que « la galerie de portraits a parfois de répétitif »). Misogyne, voire… Geneviève Bujold ( c’est votre idéal féminin ? Comme je vous comprends !) sous ses dehors de fille à papa évaporée triomphe joliment du marché de dupes que le beau Bébel lui met dans les pattes, un peu à l’image de Christine Dejoux dans L’’apprenti-salaud, le beau film de Michel Deville. Misanthrope, voire itou… L’incorrigible vaut pour sa galerie de paumés au grand cœur ( Charles Gérard et sa marmaille) et la touche de poésie saugrenue et savoureuse qu’apporte Camille-Julien Guiomar ( lui,n’attendons pas qu’il soit mort pour le couvrir de louanges ). Ah, l’entendre dire à son neveu Victor : « Ne serait-ce qu'à cause de ton vocabulaire, tu ne connaîtras jamais l'atroce volupté des grands chagrins d'amour. Mais tout le monde n'a pas la stature d'un tragédien... Contente-toi du bonheur, la consolation des médiocres. » !
1975, époque bénie où Emmanuelle Devos n’encombrait pas encore tous les écrans et où messieurs Ceccaldi, Dalban, Guiomar étaient de toutes les sauteries.
P.S : Qui, à l'égal de Philippe Garnier chantant les mérites des "character actors" hollywoodiens (Caractères chez Grasset, j'y reviens bientôt) se fera le thuriféraire de ces mythiques seconds rôles, pan si injustement méprisé de notre patrimoine cinématographique ?
Sunday, March 05, 2006
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5 comments:
Entreprises casse-gueules s'il en est de fusiller ou sanctifier l'Audiard père... le travail d'une vie sans doute !
NB: le coffret Gaumont regroupe non pas les 4 films qu'il a réalisé ...mais 4 parmi les 8 qu'il a signé:
Une Veuve en Or, Le Drapeau Noir Flotte sur a Marmitte, Elle Cause Plus Elle Flingue et Bons Baisers à Lundi (avec son festival de Bernard Blier à moumoute !) n'y sont pas représentés...
Oui, c'est vrai ! Merci du rectificatif.
En s'ècartant un brin du sujet, bien que ma préférence de coeur aille plus aux uns qu'aux autres, je préfère des auteurs qui ne plaquent pas de systèmes de pensée sur leurs personnages avant de penser à raconter des histoires qui touchent les gens au plus près de leur chair.
Pour en venir à Audiard dans ses films, il mettait des clins d'oeils appuyés à Céline à une époque où c'était mal vu et réac de le faire.
Et quoi qu'on pense de la droite, sachons reconnaître qu'elle est bien moins moins moralisatrice et casse-burne dès lors qu'il s'agit de raconter des histoires et des motivations "basses". D'ailleurs, la télé réalité ne marche que sur ce principe...
audiard c'est une transversale. Anar, droite, écorché vif et malfrat à la papa, à la fois. bonne idée de lui consacrer une note. Manquait vraiment.
Totagata, merci! J'ai du mal à cacher ma fascination pour le bonhomme en dépit (ou à cause) de ses défauts. Maintenant, j'aimerai bien lire ses livres (notamment, La nuit, le jour et les autres nuits), lui, qui plaçait la littérature au dessus de tout!
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