Des Préludes de Chopin qu’elle eut la chance d’écouter en primeur, George Sand écrivait : « certains sont d’une tristesse morne et, en vous charmant l’oreille, vous navrent le cœur ». Where did everyone go (1962) de Nat King Cole me fait un effet comparable. Alors que l’oreille est séduite par la diction admirable du grand crooner (et quelle incroyable tenue de voyelles), par l' intonation d’une sûreté surnaturelle et par la forêt de violons disposée par un Gordon Jenkins alors à son sommet (celui-là même qu’on trouve derrière deux des plus grandes réussites d’Ole Blue eyes, Where are you ? et September of my years ), cette musique vous « jette à l’âme un abattement effroyable »( toujours Sand parlant des mêmes Préludes). Alors que Nat King Cole est plutôt connu pour garder un sourire dans la voix même dans les ballades les plus mélancoliques, ce disque suinte le désespoir par tous les pores. Certes, on n’y trouve ni sanglot, ni débraillé, le « King » conservant son costume trois pièces et ce port patricien qui n’est qu’à lui mais le sourire reste consigné à la porte du bar. La vie n’a plus de sens, tout est vide et vain. Le printemps frappe à la porte mais à quoi bon puisqu’on est seul. Comme dit le titre-cénotaphe qui conclut ce disque de l’abîme, « That’s all there is, there isn’t any more ».
Seule incursion de Nat King Cole dans le registre du « saloon and suicide songs », Where did everyone go est plus qu’une simple leçon de chant. C’est un disque de désolation à mettre au niveau de Sinatra sings Only for the lonely ou de Here my dear de Marvin Gaye, c’est à dire à l’absolu sommet. Ne cherchez pas sur All music guide la notice critique de ce étreignant chef d’œuvre, elle n’existe pas. Vous avez dit scandaleux ?
3 comments:
Je ne connais de Nat King Cole que sa face "lounge" et hispanisante. Inutile de dire que ce post m'incite à aller écouter le côté obscur de sa force...
Il n'est pas trop difficile à trouver. Il est couplé avec Looking back dans une édition Two on one. Pour les amateurs fortunés, il existe le sublime coffret Bear family : L-O-V-E - The Complete Capitol Recordings 1960 - 1964 en 11 cds. Vu mes performances en pronostics, pas sûr que je puisse me l'offrir d'ici Noël.
La saison est longue, Sonic !
Et dis-moi... si j'étais vraiment fortuné, tu crois que je passerais mes deux mois de vacances dans mon petit appartement de la région parisienne ? Je me contenterai donc de l'édition Two on One (si je ne le télécharge pas... mais chuuuuut !).
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