Saturday, May 19, 2012

Birds of my neighbourhood

Parmi les nombreux regrets suscités par l'évanouissement du vinyle dans les années 90, il est coutume d'évoquer  la disparition du concept de face avec les singularités qui en dépendaient. Face lente, face rapide (Atlantic crossing); face pop, face orchestrée (le Christmas album des Beach Boys); face acoustique, face électrique (Rust never sleeps). Même si l'artifice n'était jamais loin, il y avait souvent un côté traversée du miroir tout à fait fascinant dans le changement de face. Et puis il y avait aussi les titres qui se répondaient d'une face à l'autre. Je ne citerai comme exemple que l'amer constat d'Inner City blues répliquant aux interrogations angoissées de What's going on.
Tout cela pour dire la frustration provoquée par l'absence d'un format 33 tours pour Birds of my neighbourhood de The Innocence Mission. Le disque est hélas sorti avant le retour en grâce du vinyle et on peut simplement espérer qu'un éditeur inspiré veuille bien un jour redonner à ce disque splendide un format digne de lui. Pourquoi frustration ? Pourquoi ce disque ? Certains parmi  vous connaissent peut-être le contexte douloureux de Birds of my neighbourhood. Le couple formé par Don et Karen Peris (l'ossature du groupe), après de nombreuses et infructueuses tentatives pour avoir un enfant, avait renoncé à l'idée d'un bébé lorsqu'au beau milieu de l'enregistrement du disque, Karen tomba enceinte. Ce passage du renoncement à l'espoir se situe justement à la charnière du disque entre le sixième et le septième morceau, bref de Birdless à I haven't seen this day before, donc de la potentielle fin de la face A au potentiel début de la face B. Dans Birdless, Karen de son inimitable voix de petit animal exténué, chante une nature désolée, stérile et privée de printemps :
When we are lost in Carlisle,
When we are birdless,
Flowerless in the spring
And we cannot sing.

Et puis subitement avec I haven't seen this day before, le ton change, Don ressort sa Gretsch pour quelques accords lumineux et Karen voit à nouveau les oiseaux sur son toit :
Oh mourning dove, we'll go up to my roof.
Oh mourning dove, we'll go into the sky.
This day is filling up my room,
Is coming through my door.
Oh I have not seen this day before

 Pour un groupe aussi profondément ancré dans la foi catholique (n'ont-ils pas enregistré un très beau disque de cantiques en 2000, Christ is my hope), comment ne pas voir dans cette grossesse soudaine un signe du ciel, le passage du carême où l'on doit renoncer à ce qui vous tient le plus à coeur à la joie de Pâques?

No comments: