Je
me souviens du 18 août 1982. C’était un mercredi, j’avais 15 ans et je
faisais visiter Bourges à mon correspondant anglais, Rogan. Celui-ci,
tout en mangeant un sandwich au camembert, n’arrêtait pas de me vanter
la supériorité de l’humour british sur la gaudriole tricolore.
L’après-midi je lui suggérai, plutôt que de visiter le palais Jacques
Cœur, d’aller au Jacques Cœur* pour y voir Les Diplômés du dernier rang,
susceptible, je feignais de le croire, de clouer le bec à son
chauvinisme en matière de rigolade. L’idée, ne le cachons pas, fut aussi
déplorable que le film. Désœuvrement, pauvreté abyssale des
programmations estivales d’alors, souvenir ému du Pion, j’ai du mal à retrouver ce qui avait pu motiver ce défi absurde.
Je
me souviens très bien en revanche de la sortie du Jacques Cœur, des
quolibets de Rogan (et, dieu merci, son français imparfait lui avait
épargné les saillies les plus consternantes), de la honte qui s’était
emparée de moi et de l’obligation qui m’était faite de rendre les armes
devant Fawlty Towers et les Monty Python.
30
ans après, l’impression n’a pas varié. Pas une idée de cinéma, pas une
punch-line correcte, pas une proposition de casting intéressante
(Galabru, entre On s’en fout nous on s’aime et Le gendarme et les gendarmettes,
s’applique à faire oublier qu’il a joué pour Mocky et Pascal Thomas ;
Marie Laforêt remplit son réfrigérateur et le jeu de Patrick Bruel donne
presque envie de l’entendre chanter). Les gags sont tellement lourds
qu’ils feraient passer Les sous doués
pour un film de Tati : l’Asiatique est champion de karaté et parle
comme Michel Leeb, l’Africain est habillé en touareg et les femmes sont
bien sûr toutes nymphomanes. Quant aux bobbies, ils se font pisser
dessus dès qu’ils ont le dos tourné.
En 4 ans, toutes les (modestes) qualités entrevues dans Le Pion
(soin apporté à la mécanique des gags, finesse du jeu de Claude Piéplu,
éloge anarchiste du désordre) ont disparu au profit d’une pure
opération mercantile visant à récupérer le reste d’argent de poche des
ados conquis par les Sous-doués (d’ailleurs, le « stimulateur auditif » n’est pas sans rappeler les techniques de triche de bébel !).
Ce même 18 août** et dans une veine comique superficiellement similaire sortait Porky’s.
A des étudiants joués par des trentenaires (Bruel excepté) succédaient
des lycéens joués par des « twenty something ». Si le film de Gion
partait dans tous les sens (triche aux examens, ruses pour se faire
réformer, voyage linguistique, compétition sportive, drague de MILF)
pour n’arriver nulle part, le long métrage de Bob Clark avait le grand
mérite de ne pas se disperser en cours de route (en dehors d’une
condamnation convenue de l’antisémitisme) : la seule chose qui compte
dans Porky’s,
c’est de perdre sa gourme le plus vite possible. On ne s’embarrasse pas
des sentiments (on évite ainsi la niaiserie qui plombe le dernier quart
d’heure d’American Pie),
les études comptent pour du beurre (alors que les étudiants de Gion ont
la hantise de redoubler leur première année), seule la trique importe.
Mensurations, fréquence des rapports, pollution nocturne, rien n’est
épargné aux potaches qui peuvent même se rincer l’œil (ce qui n’est pas
si fréquent dans le cinéma américain des années 80), le temps d’une
douche dans les vestiaires (l’amateur éclairé sachant apprécier à sa
juste valeur les pubis fournis pré-Amber Lynn). Ce qu’il y a de
réjouissant dans Porky’s,
c’est son manque d’ambition (l’horizon s’arrête au « claque »!), sa
puérilité (rien n’est plus important que d’en avoir une « vigoureuse »)
et son absence totale de discours moral (le voyeurisme, la filouterie et
la corruption sont activement encouragés). En restreignant son champs
d’exploration au trou de serrure, Porky’s réussit mieux paradoxalement à donner vie à ses personnages que les Diplômés qui, à force de multiplier les cibles, n’en atteint aucune.
* Cinéma berruyer aujourd’hui disparu.
** Etrangement, alors que les deux films ont été tournés au même moment,
ils contiennent un gag quasi identique : une relation sexuelle dont les émois très sonores sont amplifiés
par un tiers pour le bénéfice de l’assistance et la confusion des enseignants.
P.S : chronique réalisée à la demande du site Abordages
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