Friday, August 24, 2012

Je me souviens


Je me souviens du 18 août 1982. C’était un mercredi, j’avais 15 ans et je faisais visiter Bourges à mon correspondant anglais, Rogan. Celui-ci, tout en mangeant un sandwich au camembert, n’arrêtait pas de me vanter la supériorité de l’humour british sur la gaudriole tricolore. L’après-midi je lui suggérai, plutôt que de visiter le palais Jacques Cœur, d’aller au Jacques Cœur* pour y voir Les Diplômés du dernier rang, susceptible, je feignais de le croire, de clouer le bec à son chauvinisme en matière de rigolade. L’idée, ne le cachons pas, fut aussi déplorable que le film. Désœuvrement, pauvreté abyssale des programmations estivales d’alors, souvenir ému du Pion, j’ai du mal à retrouver ce qui avait pu motiver ce défi absurde.

Je me souviens très bien en revanche de la sortie du Jacques Cœur, des quolibets de Rogan (et, dieu merci, son français imparfait lui avait épargné les saillies les plus consternantes), de la honte qui s’était emparée de moi et de l’obligation qui m’était faite de rendre les armes devant Fawlty Towers et les Monty Python.
30 ans après, l’impression n’a pas varié. Pas une idée de cinéma, pas une punch-line correcte, pas une proposition de casting intéressante (Galabru, entre On s’en fout nous on s’aime et Le gendarme et les gendarmettes, s’applique à faire oublier qu’il a joué pour Mocky et Pascal Thomas ; Marie Laforêt remplit son réfrigérateur et le jeu de Patrick Bruel donne presque envie de l’entendre chanter). Les gags sont tellement lourds qu’ils feraient passer Les sous doués pour un film de Tati : l’Asiatique est champion de karaté et parle comme Michel Leeb, l’Africain est habillé en touareg et les femmes sont bien sûr toutes nymphomanes. Quant aux bobbies, ils se font pisser dessus dès qu’ils ont le dos tourné.
En 4 ans, toutes les (modestes) qualités entrevues dans Le Pion (soin apporté à la mécanique des gags, finesse du jeu de Claude Piéplu, éloge anarchiste du désordre) ont disparu au profit d’une pure opération mercantile visant à récupérer le reste d’argent de poche des ados conquis par les Sous-doués (d’ailleurs, le « stimulateur auditif » n’est pas sans rappeler les techniques de triche de bébel !).

Ce même 18 août** et dans une veine comique superficiellement similaire sortait Porky’s. A des étudiants joués par des trentenaires (Bruel excepté) succédaient des lycéens joués par des « twenty something ». Si le film de Gion partait dans tous les sens (triche aux examens, ruses pour se faire réformer, voyage linguistique, compétition sportive, drague de MILF) pour n’arriver nulle part, le long métrage de Bob Clark avait le grand mérite de ne pas se disperser en cours de route (en dehors d’une condamnation convenue de l’antisémitisme) : la seule chose qui compte dans Porky’s, c’est de perdre sa gourme le plus vite possible. On ne s’embarrasse pas des sentiments (on évite ainsi la niaiserie qui plombe le dernier quart d’heure d’American Pie), les études comptent pour du beurre (alors que les étudiants de Gion ont la hantise de redoubler leur première année), seule la trique importe. Mensurations, fréquence des rapports, pollution nocturne, rien n’est épargné aux potaches qui peuvent même se rincer l’œil (ce qui n’est pas si fréquent dans le cinéma américain des années 80), le temps d’une douche dans les vestiaires (l’amateur éclairé sachant apprécier à sa juste valeur les pubis fournis pré-Amber Lynn). Ce qu’il y a de réjouissant dans Porky’s, c’est son manque d’ambition (l’horizon s’arrête au « claque »!), sa puérilité (rien n’est plus important que d’en avoir une « vigoureuse ») et son absence totale de discours moral (le voyeurisme, la filouterie et la corruption sont activement encouragés). En restreignant son champs d’exploration au trou de serrure, Porky’s réussit mieux paradoxalement à donner vie à ses personnages que les Diplômés qui, à force de multiplier les cibles, n’en atteint aucune.

* Cinéma berruyer aujourd’hui disparu.
** Etrangement, alors que les deux films ont été tournés au même moment,
ils contiennent un gag quasi identique : une relation sexuelle dont les émois très sonores sont amplifiés
par un tiers pour le bénéfice de l’assistance et la confusion des enseignants.
P.S : chronique réalisée à la demande du site Abordages

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