Sunday, November 19, 2023
Britney Strikes Back
Ceux qui comme moi se sont brûlés au soleil noir de Black Out (2007) et ne s’en sont jamais vraiment remis attendaient avec impatience la sortie de l’autobiographie de Britney Spears, The Woman in me. Tout en redoutant un livre écrit à 4 mains par un « coach de vie » nous assénant des leçons sur la manière d’éviter les embûches qui s’amoncellent sur la route de l’existence. Ce que le livre est en partie mais pas seulement. On regrettera bien sûr le parti-pris de mettre la musique et la danse au second plan et on aura la faiblesse de ne pas s’attarder sur les nombreuses redites et ressassements consécutifs aux agissements d’une cellule familiale digne des Atrides (le père Spears fait passer le Colonel Parker pour John Keating).
Pas un mot hélas sur Original Doll, son Black Album à elle dont on aimerait connaître les coulisses et dont on attend la sortie depuis 20 ans. Pas une mention ou presque du fantastique tandem de producteurs Bloodshy&Avant qui vont définitivement métamorphoser aux oreilles d’un auditoire exigeant Pinkie en Britney Spears. Peu ou très peu de choses sur les mutations de sa voix, sur ses influences artistiques. Mais, une fois dits ces regrets, concédons que The Woman in Me se lit d’une traite, que la créatrice de Toxic s’y montre sans fard au risque de froisser ceux et celles pour qui elle n’a jamais cessé d’être la petite fiancée de l’Amérique. Son évocation cash de l’avortement imposé par Justin Timberlake à domicile confirme dans un pays où le Keep Abortion Legal est un combat risqué qu’elle est certainement plus courageuse et concernée que d’aucuns aimeraient le croire. Bien sûr, #Metoo est passé par là mais elle ne cache rien des attaques sexistes dont elle a été victime surtout après sa séparation avec l’auteur de Justified et elle sait trouver les mots justes pour dénoncer un état d’esprit médiatique paternaliste qui n’a pas encore complètement rendu les armes : « There’s always been more leeway in Hollywood for men than for women. And I see how men are encouraged to talk trash about women in order to become famous and powerful ».
On ne se gênait pas alors pour la harceler sur son tour de poitrine, son poids et son attitude, ce qu’on n’aurait jamais osé faire avec ses homologues masculins. De même, sa soi-disante infidélité qui aurait inspiré Cry Me A River (un beau titre mais une chanson malhonnête) ne semble rien comparée aux turpitudes de l’acteur-chanteur. Mais une fois encore, les médias se sont acharnés sur elle, notamment Diane Sawyer dans une interview sur laquelle elle revient longuement. Madonna qui était passée par le même chemin semé d’épines sut, à un moment crucial, lui donner le courage, de résister à la meute déchaînée contre elle. Mais la conjugaison d’une opinion publique devenue hostile, d’une presse malveillante, d’ex indigents et d’un père toxique eurent raison de sa « liberté » et elle vécut un « trou noir » (The Conservatorship) dont même les fans les plus endurants n’imaginaient pas l’intensité. Ce sont ses mêmes fans avec leur tee-shirt « Free Britney » qui lui firent redresser la tête et trouver la force de recouvrer sa liberté et mettre fin à cette « tutelle » inique. Mais, au-delà de ce combat raconté avec honnêteté et pugnacité, ce qui touche le plus le fan éternel que je suis dans ce livre, c’est sa lucidité quant à sa propre valeur artistique (dont, j’admets, je n’attendais pas tant). Freiné dans ses audaces par le clan qui ne vit en elle qu’une poule aux œufs d’or, elle admet que les années post-Circus furent un sacré retour en arrière esthétique (elle jette, tout comme nous, un voile pudique sur Britney Jean et Femme Fatale) et elle montre bien que sa période la plus « libre » (2004-2007) coïncide avec l’apogée de sa carrière, le moment où Britney avait su toucher à la fois les producteurs les plus aventureux et sa fan base de toujours : « Many artists have said that it influenced them, and I often hear from fans that it’s their favorite ». Être ainsi légitimé par Britney elle-même vaut tous les combats que j’ai menés pour la défendre (devant un auditoire au mieux sceptique), tous les quolibets subis pour avoir osé dire que ce que l’on retiendra musicalement des années 2000 passera forcément par Toxic et Black Out. Pour ces mots-là entre autres, The Woman In Me valait le coup d’être écrit. Comme si Britney timidement semblait nous murmurer qu’une fois le passé digéré on pourrait encore compter avec elle.
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