5 ans à l'ombre à la fin de la guerre, ce fût le prix à payer pour des articles parfois débectants qui évidemment ne lui permirent pas de compter parmi les Compagnons de la Libération. La justice ayant fait son œuvre, on peut donc lire ou relire son oeuvre tranquillement et notamment Touchez pas au Grisbi qui, avant d'être l'un des tout meilleurs films français des années 50 (sinon le) fut la première participation de Simonin à la prestigieuse Série Noire. Ce furent sans doute ses années comme taxi entre Pigalle et la Porte de la Chapelle qui lui ont donné cette maîtrise de l'argot* qui impressionnait tant Dard et Audiard qu'ils en firent leur miel des années durant. Mais ce qui saisit, lorsqu'on compare Simonin à ces deux maîtres de la langue verte, c'est l'âpreté des situations décrites par le "Chateaubriand de la pègre". Passages à tabac, brutalité des mœurs, surinages en pagaille, on n'est pas souvent dans "la caresse" et seule l'amitié entre Pierrot et Max le menteur amène un peu d'humanité dans ce grand déballage des noirceurs humaines (Max brasse des idées noires en permanence). Ce qui fait cependant tout le sel de ce petit bijou, c'est la langue, ô combien imaginative, à la fois impeccablement réaliste et somptueusement baroque. En atteste cet extrait où le narrateur (Max) évoque Marinette, une tenancière de première :" D'avoir débuté sur le banc, et avec
le carat, Marinette avait pris le goût de l'autorité. Elle voulait
que des prix de Diane dans sa taule. Du moulé superchoix, de la
frime de madone, et du linge ! Elle y tenait, au vestiaire, autant
qu'à l'éducation et aux manières convenables. Ses greluches, elle
les présentait en tenue de villes, en bourgeoises affranchies, pas
satisfaites à la maison et qui venaient ici reluire avec des
vicieux. ça faisait énormément goder les michetons, ce rôle de
paladins de la braguette, de terre-neuve de la bagouze. De plus,
comme à toutes ses souris, Marinette cloquait en pagaille des maris
bidons, avocats, diplomates, ingénieurs, officiers, industriels ou
magistrats, le client avait encore la satisfaction révolutionnaire
de tringler symboliquement la haute bougeoisie. En loucedoc, ça
devait être un peu sa revanche de môme de Belleville, à
Marinette."
* : Fringues, voitures, bectance, étrangers (en des termes qui, aujourd'hui, lui amèneraient pas mal d'ennuis), tout est trituré à la moulinette de la langue des fortifs.
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