Saturday, June 04, 2005

Plus qu'une dette à acquitter, une justice à rendre


Pourquoi « Minor masterpiece » ? Pourquoi mettre des restrictions à ce qui est et demeure pour moi peut-être la plus grande révélation musicale de ces dix dernières années ?
Les gens, certain de mes amis, mon frère guillaume tiquent sur Claudine ( ce que je peux à la limite comprendre s’ils admettent s’être limités à Love is blue ) mais qui peut humainement résister à Margo à moins de considérer que Maria Carey est une grande chanteuse et Elton John un grand songwriter ? Julie, Aude, mon philou, Séb, Mariaque ( bon d’accord, ces deux-là l’appréciaient avant que je ne leur mette le nez dedans ) ont tous fondu pour elle. J’en ai fait des tonnes sur Claudine mais posséda-t-elle jamais réellement le pouvoir évocateur de Margo ? Ses reprises de both sides now et God Only knows sont absolument immaculées et cela je le soutiendrai même sous la torture mais Margo en l’espace d’un unique disque a taillé des diamants de la taille de Sun, Love songs, Think of rain, Sunday morning , joyaux qui feraient passer Chaumet pour un aimable plaisantin avec ses bagues à deux balles.
Le malheur ou le bonheur ( pouvait-elle rééditer cet exploit que même Françoise n’a réussi qu’une fois et demie dans toute sa carrière ( La question et une moitié de Soleil )) ? )a voulu que Take a picture soit son seul essai achevé. L’insuccès scandaleux du disque l’amena à renoncer à chanter et composer pour se consacrer uniquement à l’enseignement.
Cela étant dit, Margo aurait très bien pu ne jamais parapher au bas du beau livre d’or de la pop music. Ses études classiques, son goût pour Bill evans ou Miles Davis auraient du la tenir éloignée à la fois des chevelus et des teenyboppers mais son pilier de Notre-dame eut pour nom God only knows qu’un ami lui fit écouter ( on a connu de pires viatiques ). De cet instant data une furieuse envie de composer par elle même. Elle n’eut de cesse alors de vouloir écrire son God only knows à elle et ce fut Think of rain.
Margo, et cela n’étonnera aucun de ceux qui la connaissent a eu ce privilège de n’être reprise que par des bons ( « qui se ressemble s’assemble » dit-on ), de ceux qui firent de la fin des années 60 une période si intensément riche que le tonneau des Danaïdes à côté ressemble au seau de ma fille sur la plage de Châtelaillon. Vous voulez des noms ? Et bien, cette fois-ci, je vous les donne sans me faire prier : Glenn Campbell ( le beau ténébreux qui remplaça Brian Wilson au pied levé sur la tournée des Beach Boys 1964), Mama Cass ( oui, celle des Mama’s et des Papa’s ), Spanky and our gang, Claudine ‘ f’course, Astrud Gilberto. Vous avez dit la connexion« Soft Pop » ? Je vois qu’on commence à se connaître. Et une fois le mot de passe lâché, vous situez mieux la problématique post sergeant pepper et pré- Abba. Je crois de plus en plus que dans cet interstice passionnant ( 1967-1973 ), il vaut mieux oublier les têtes d’affiche, les grosses cylindrées plus impressionnantes sur pochettes ( les Santana, les Who, les Stones, le Floyd ) que sur sillons et creuser, fouailler cet univers encore largement inexploré ( soyons honnêtes et rendons grâce à Nicolas Ungemuth qui dans Rock and Folk fut un des premiers à attirer notre attention sur cette époque ). Là s’y trouvent des orchestrations d’une opulence inouïe , des voix posées, singulières et belles ( et celle de Margo ( both lovelorn and wispy ) fait tomber nos défenses les plus secrètes ), des textes naïfs sans être godiches bref, le luxe, le calme et la volupté dont le poète se grise. Et qui le lui reprochera ?

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