Thursday, August 31, 2006
Last night, Marcel Proust saved my life
En lisant et relisant la charmante quoique pas qu'un peu acerbe commentatrice sur mon billet précédent, je me faisais l'impression de ce patron de café dans Le côté de Guermantes qui " avait l'habitude de comparer toujours ce qu'il entendait ou lisait à un certain texte déjà connu et sentait s'éveiller son admiration s'il ne voyait pas de différences ". Sans-doute ai-je aussi du mal à former une opinion singulière et j'avoue que comme le cafetier incriminé, il m'arrive de me dire intérieurement " c'est ça, c'est ça " si je retrouve des "termes connus" dans les "colonnes d'un journal". On a peut-être un peu oublié cet aspect-là de l'oeuvre de Proust, la manière dont il se défiait de l'opinion commune ( je reviendrai, un jour, sur sa détestation de l'antigermanisme primaire en pleine Union sacrée). Mais La Recherche est un tel océan. J'appuie exprès sur le mot "océan" ( une métaphore facile que j'assume) car je suis loin d'en avoir fini avec ma traversée du Roman proustien ( à tous les sens du mot fini). J'ai lu avant 20 ans Du côté de chez Swann, A l'ombre des jeunes filles en fleur avant 30 et j'espère achever Le côté de Guermantes avant mes 40 bougies. Ce qui est d'ailleurs loin d'être joué.
Cela fait toujours doucement sourire mon ami Gwen quand j'affirme que c'est mon écrivain préféré alors que je n'en suis même pas à la moitié de son grand oeuvre. Mais quoi, je batifole. Au lieu de me concentrer sur La Recherche, je lis sur lui, autour de lui et parfois, je découvre des choses étonnantes comme cet ouvrage qui justifie le titre de mon post : Proust contre la déchéance. Joseph Czapski, l'auteur de ce livre, un officier polonais, féru de littérature et de peinture, fut fait prisonnier par les Soviétiques suite à l'offensive russe en Pologne conformément au protocole secret du pacte germano-soviétique. Czapski, qui a vécu jusqu'en 1993, a fait partie des très rares officiers polonais rescapés des massacres de Katyn. Emprisonnés à Griazowietz près de Kharkov dans des conditions épouvantables mais refusant de devenir des brutes, Joseph Czapski et quelques uns de ses camarades enchaînent les conférences sur les sujets les plus variés possibles. Czapski, lui décide, sans avoir les livres sous la main de parler d'A la recherche du Temps perdu. Voilà comment dans la préface de ce recueil de conférences, il exprime sa reconnaissance envers l'art de Proust : " Je vois encore mes camarades entassés sous les portraits de Marx, Engels et Lénine, harassés après un travail dans un froid qui montait jusqu'à quarante-cinq degrés, qui écoutaient nos conférences sur des thèmés tellement éloignés de notre réalité d'alors. Je pensai alors avec émotion à Proust, dans sa chambre surchauffée aux murs de liège, qui serait bien étonné et touché peut-être de savoir que vingt après sa mort des prisonniers polonais, après une journée entière passée dans la neige et le froid qui arrivait souvent à quarante degrés, écoutaient avec un intérêt intense l'histoire de la duchesse de Guermantes, la mort de Bergotte et tout ce dont je pouvais me souvenir de ce monde de découvertes psychologiques précieuses et de beauté littéraire."
Et puis il y'a aussi ce précieux mp3 découvert de façon accidentelle la semaine dernière où des liens se tissent entre deux artistes aimés.
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7 comments:
Ah camarade... je m'en doutais, qu'elle te ferait valser, cette pique. Et pourtant !
Faut bien l'avouer : les blogs n'ont que rarement vocation à l'objectivité totale. Ils naissent d'un coup de coeur, d'une envie de partager ou de baratiner pour soi. Porosité de l'opinion ? Et alors ? Ce qui restera, c'est ce que l'on en a fait. L'objectivité sur un blog, c'est un péché d'orgueil.
L'objectivité se tient dans mon froc, disait Léo. En dehors du désir, il n'y a pas grand chose.
Perso, je n'aime pas les inrocks (le style intello-chiant) mais j'aime bien que l'on me raconte de chouettes anecdotes. Ton aperçu du Czapski est dans le créneau.
1- L'histoire de "ton" polonais m'évoque la nouvelle de Zweig "Le joueur d'échecs"...
2- Proust, c'est un peu comme la Bible, tu l'ouvres à une page et tu trouves la réponse à ta question : dans les premières lignes de "La Recherche...", on peut lire par exemple :
"Peut-être l’immobilité des choses autour de nous leur est-elle imposée par notre certitude que ce sont elles et non pas d’autres, par l’immobilité de notre pensée en face d’elles."
Mais je ne sais pas si le rapport avec le debut de ton post sera clair pour tout le monde... ;-)
Je te suis Totagata pour l'objectivité, ce qui explique que j'ai conservé un faible pour les critiques (de Garnier hier à notre ami Mariaque aujourd'hui) qui ne banissent pas le "je" de leurs compte-rendus.
Rorschach, merci du clin d'oeil et du rapprochement avec Zweig.
Je n'en demandais pas tant ! Je suis confus, je suis touché...
Mais moi aussi, à mes heures les amis !, je condescends à être ce proustien patron de café...
désolé plus la force de lire ta chronique après une journée de bus intereuropéen...
a demain...
Ah! Proust! Pourquoi ceux qui en parlent le mieux sont-ils ceux qui ne l'ont pas lus ?
Il te faudra d'autant plus de force, ami anonyme, qu'un nouveau billet, bourré de citations proustiennes vient d'être posté
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