Saturday, June 15, 2019

Dalida

Jusqu'à il y a un peu plus d'un an, Dalida m'avait toujours laissé indifférent. Bien sûr, je connaissais quelques unes de ses chansons. Celles que tout le monde connaît. Et puis aussi sa fin terrible dans sa maison de la rue d'Orchampt. Mais elle ne me parlait pas plus que ça. Trop de faux-cils, d'adaptations bâclées et d'orientalisme de bazar. Une féminité exacerbée  qui me laissait à distance. Il y a deux ans, au cimetière Montmartre, je m'étais arrêté longtemps devant la tombe de Sacha Guitry  et celle de Michel Berger mais j'étais vite passé devant la sienne, pourtant difficile à contourner. Et puis, un de mes contacts sur Facebook a posté Comme tu dois avoir froid (1974). Et là, un déclic s'est produit. Beauté des arrangements, justesse de l'interprétation, cruauté du texte, il y avait là tous les ingrédients pour intégrer mon panthéon seventies, pourtant déjà bien fourni. Mais dans un premier temps, je n'allais pas plus loin., effrayé peut-être par la production pléthorique d'une artiste qui avait abordé tous les styles (du twist au reggae en passant par le disco et le tango) sans toujours beaucoup de discernement et en suiveuse bien souvent plus qu'en initiatrice. Mais j'ai été puni de mes raccourcis hâtifs. Dalida avait beaucoup à m'offrir, bien plus que ce à quoi je m'attendais. Pour déceler les joyaux, il fallait de la patience car aucun album n'est parfait de bout en bout au sens où La question est un album parfait. Mais dans cette grande décennie (1967-1981) qui l'a vue passer de l'abattement le plus désespéré à la quarantaine éblouissante, il y a énormément à grappiller.
Honte aux concepteurs de ses disques qui, en mal d'imagination, ont pratiquement appelé tous ses albums, Dalida. Alors, s'il faut effectuer une sélection, j'avouerai un gros faible pour Dalida 1970, le moment où elle sort enfin des années noires qui suivirent le suicide de Luigi Tenco, encore plus pour Dalida 1974 (elle se passionne pour Teilhard de Chardin, la psychanalyse et enregistre perles sur perles) gratifié d'au moins 4 superbes chansons : Comme tu dois avoir froid (déjà cité), Ta femme, Nous sommes tous morts à 20 ans (d'un désenchantement rare chez elle) et La consultation et puis je n'aurai garde d'oublier Olympia 1981 (qui n'a rien d'un live) où les plus beaux titres sont autant de signes annonciateurs de la catastrophe à venir : Partir ou mourir (avec son irrésistible basse slappée), Et la vie continuera, A ma manière (Et le soir où je m'en irai, finalement je le ferai à ma manière (frissons garantis pour tout le monde)).
 A 47 ans, la voix est intacte, le grave somptueux et les mots chantés sont ni plus ni moins des mots de tragédienne (oh, cette inflexion incroyable sur le refrain d'une femme à 40 ans). Elle avait une façon bien à elle de mettre du drame (mais curieux paradoxe, sans aucune lourdeur) dans la plupart de ses chansons et c'est sans doute sur ce dernier grand disque que son don pour le tragique apparait de la manière la plus douloureuse.

No comments: