Saturday, September 07, 2019

Okie From Muskogee

En 1969, tout les monde n'était pas à Woodstock. Les américains ne prônaient pas tous l'amour libre et ne portaient pas tous des cheveux longs. Mais la voix de cette majorité silencieuse, au moins pour le public européen, s'est depuis longtemps estompée. En regardant Once Upon A Time In Hollywood, on a même l'impression que les hippies avaient contaminé tout l'espace culturel américain (mais le film se déroule en Californie, c'est vrai et pas dans l'Oklahoma).
Dans Okie From Muskogee, Merle Haggard se faisait le porte-parole attendri mais ferme de ces mid-westerners qui ne se reconnaissaient pas dans la contestation tous azymuths de cette fin des sixties. Puissamment réactionnaire, le titre défendait les "vraies valeurs", du respect du aux supérieurs au patriotisme inflexible. Haggard a toujours eu un discours contradictoire sur cette chanson, l'une des plus célèbres de son repertoire. A la fois gentiment moqueur du folklore "redneck" et tout de même assez hostile à la philosophie hippie, "Hag" se justifia souvent en prétextant une défense des soldats au Vietnam censés défendre une liberté dont les étudiants contestataires étaient les premiers à profiter. Défense très spécieuse que n'importe quel historien pourrait facilement faire voler en éclat. Mais peu importe puisque cette chanson est un petit bijou, plébiscité par cette même majorité silencieuse à laquelle elle s'adressait. Mais pas que. Signe de sa qualité (mais Merle Haggard, cela commence à se savoir, était un songwriter exceptionnel), d'estimables représentants de la contre-culture l'ont reprise (Phil Ochs, Grateful Dead) et  l'ont inscrite à leur répertoire.
Mais la version la plus formidable se situe de l'autre côté de l'échiquier politique. Roy Rogers, le "cowboy chantant" reprit lui aussi ce titre mais sans l’ambiguïté qu'avait su y mettre Merle Haggard. Ici, on est clairement dans une défense de la morale conventionnelle américaine dans le plus pur premier degré. Lorsque Roy, plus de soixante ans au moment de l'enregistrement", chante We don't smoke marijuana in Oklahoma, on a aucune raison de ne pas le croire. La voix intacte (quelle autorité dans le phrasé !), disposant d'instrumentistes fabuleux, Roy s'accapare Okie From Muskogee (alors qu'il était natif de l'Ohio) et en fait véritablement sa chose. Et, en étant complétement honnête avec soi-même, on se dit qu'on l'aime aussi cette Amérique-là, qu'elle s'inscrit parfaitement dans notre mythologie, pas si loin du Kentucky des frangins Everly ou de l'Arkansas de Charlie Rich.

2 comments:

lug addict said...

Merci pour cet article non sectaire.J'ai toujours aimé la contre culture mais j'aime bien les gens terre à terre aussi.Reconnaissons le talent d’où qu'il soit, des hippies de san francisco ou du sud des usa.

Eric Aussudre said...

Oui, il est heureusement permis de ne pas choisir son camp en matière musicale. Merci de tout coeur pour votre commentaire.