Sunday, May 15, 2005

How many bands did you fall in love with ?

Dans le grand jeu des 7 ( lire 20 ou 30 ) familles qui font la musique populaire britannique après la révolution punk, l’une des lignées les plus attachantes est sans conteste le mouvement twee pop. Twee , cet adjectif qu’on pourrait traduire par gentillet, chichiteux est appliqué quasiment à tous les groupes signés par le mythique label de Bristol, Sarah records. L’adjectif a beau être très péjoratif , limite condescendant, on a fini par se l’approprier et même en faire une revendication. L’éthique musicale twee pop est toute tracée sur la fameuse cassette C-86 (coup d’envoi du mouvement) offerte en supplément gratuit par le New Musical Express et qu’on ne se targuera pas hélas de posséder mais qu’on a fini par écouter par raccroc : l’esprit Do it yourself des punks ( moins les crachats et la conscience (inconscience) politique), les guitares carillonantes des Smiths (moins la pose), le lorgnon sur la « cute pop » des girl-groups ( mais dans un format moins carré ), des vocaux frisant parfois l’indigence ( et pourtant souvent singuliers ) et des paroles malhabiles d’ undergraduate les mains moites dès qu’il s’agit d’aborder une fille dans la rue ( travers souvent moqué mais qui au final ne les a pas que desservi ).
Sur le site all-music guide, on est effaré de constater tous les groupes qui sont apparentés à ce mouvement. L’honnêteté oblige à dire qu’on en connaît très peu et les disques cités en référence encore moins, ce qui promet un passionnant travail de prospection pour les années à venir. De fait, il serait plus simple de recenser ceux qu’on a vraiment écouté : Belle and Sebastian ( mais leur éclosion est postérieure aux grands faits d’arme du mouvement ), Softies ( là aussi postérieurs mais totalement pertinents quant à l’adéquation de ce groupe avec l’éthique des twee-ters ( on reviendra à elles sous peu )), Pastels ( un peu trop dissonants et arty pour ne pas être atypiques ) et bien sûr nos chouchous, les Field Mice, le groupe dont je souhaite le plus vous entretenir. Pourquoi autant de crasse ignorance vis à vis des autres rejetons de cette mouvance ( Mc carthy, Orchids, Heavenly ) ? Ceux-là ont du m’effleurer les tympans au détour d’une compilation Inrockuptibles ( en province, aller au delà des printemps 90 ou automne 89 requérait beaucoup de patience et d’abnégation ) mais faute de relais suffisant dans mon entourage ( et dans une période pré-internet et pré-napster, faut-il le rappeler ), je ne me suis pas aventuré plus loin que Canada et Sensitive des souriceaux pré-cités tout en me promettant d’y retourner un jour quand l’occasion se présenterait.
La session de rattrapage, ce fut la compilation posthume des Mice, Where did you learn to kiss that way ( paru sur le label Shinkansen en 1999, label qui reprenait les choses là où Sarah les avait laissé ). Les galettes sur lesquelles j’avais tant fantasmé se révélaient aussi passionnantes que longue avait été l’attente.
Subsistait simplement le regret éternel de n’avoir pas les 45t. originaux ou les magnifiques e.p à l’anonymat revendiqué (« ce qu’on fait, tout le monde peut le faire » semblaient-ils nous dire ).
Triangle
Le label Ltm rattrape de belle façon l’injustice dont ont été victimes Wratten and Hiscock ( quand on pense qu’ils n’ont pas une notice à eux dans pourtant référentiel Dico du Rock d’Assayas ( et que les Red Hot Chili Peppers en ont plus de 150 ( ce qui au passage nous troue le cul ))) en rééditant en trois cd’s l’intégrale des petits gars du sud londonien ( mini-albums, albums et singles afférents ). Le purgatoire est terminé et les jeunes générations ( enfin du moins ceux et celles que n’enchantent ni Kyo, ni Enhancer ) vont pouvoir se forger du « groupe culte » sans toutes les chausses-trappes que la génération précédente a trouvé sur son chemin.
Snowball , le premier disque de cette livraison, sortit originellement en août 1989. Il faut dire combien est immense le plaisir de retrouver Let’s kiss and make-up à sa vraie place, c’est à dire, la première. Dès les premières notes, tout est en place pour le grand frisson : une boîte à rythme fait la nique à une guitare très ligne claire tandis que l’auditeur attend fébrilement la voix de Bobby Wratten . Après 2’’30’ de ce petit jeu du chat et de la souris ( des champs), Wratten a demi balbutiant ânonne quelques paroles aussi chastes que le bréviaire d’un premier communiant ( là, comment ne pas parler de la parenté avec Saint-Etienne qui a d’ailleurs repris et de quelle façon ce titre ( l’Eurodance sans la vulgarité, c’est possible ! )) . Au refrain, la voix prend de l’assurance et un sentiment plus ardent balaie les flottements du couplet. Ici, on tergiverse, on tâtonne mais on finit par faire mouche comme l’attestent les beaux effets wah-wah qui concluent l’affaire : ça y’est, les deux amoureux un instant égarés sont réconciliés. Oui, vraiment,c’est beau.
Ailleurs sur ce disque, on sera happé par l’intro lumineuse de This Love is not Wrong ( les Gogo’s ne sont pas loin ), grand morceau malgré un pont très incertain ( Wratten a de ces absences parfois ), l’innocence de Couldn’t feel safer où le comble de la sensualité se limite à tenir la main de l’être aimé et la beauté toute vaporeuse ( je m’étais pourtant promis de ne pas employer ce mot ) de Letting go qui rappelle les Cure d’avant le ressassement. Mais isoler tel ou tel titre est un exercice un peu vain tant la cohérence du projet est frappante ( malgré des influences disparates ).
Alors évidemment, adeptes du stage diving, du pogo, bikers en harley, érotomanes invétérés, party people, soyons francs, il est peu probable que vous trouviez ici votre Nirvana. Mais si l’innocence ( au sens où Ricky Nelson pouvait être innocent ), l’honnêteté, l’absence d’arrière-pensées ne sont pas pour vous des valeurs dévaluées, laissez-vous griser par le charme fragile mais entêtant de Snowball.

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