Tuesday, March 21, 2006

In vino veritas

Mondovino italia

S’il y’a bien un film qui devrait être livré avec un kit de dégustation, c’est assurément Mondovino. On a aucune peine à s'imaginer sifflant quelques pipettes tout en regardant l’épatant travail de jonathan Nossiter. Le problème, c’est que les bouteilles dont il est question dans ce documentaire, on n’en verra sans doute jamais la couleur. Ornellaia, Château Le Gay, Château Kirwan, et même un Puligny Montrachet resteront des noms ou de jolies étiquettes qui font rêver. Pour saisir parfaitement tous les enjeux du film, il m’aurait fallu une éducation un peu plus consistante. Je ne suis dans ce domaine qu'un amateur ignorant. Je comprends bien que le film expose une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes, celle qui oppose les tenants des vins de terroir au vieillissement long aux partisans de vins micro oxygénés, conservés dans des fûts neufs et mieux à même de satisfaire le consommateur pressé. Mais, hélas, je ne suis pas sûr que mon palais soit tout à fait capable de saisir la différence entre les deux types de boissons. Le vin, je l’apprécie, jusqu’à considérer désormais qu’un bon repas ne peut s’en passer (c’est un truisme mais il m’a fallu du temps pour le faire mien) mais j’éprouve souvent plus de plaisir avec un petit Saumur Champigny, un Reuilly ou un Mennetou Salon qu’avec de grandes appellations qui m’impressionnent plus qu’elles ne me comblent. Pour en revenir au film, le combat qui s’y joue n’est qu’une illustration de la lutte, plus générale, que se livrent les adeptes d’une économie globalisée, libérale (pour faire court) et les gardiens du temple pour qui la culture du vin est indissociable d’une certaine éthique. Parmi ces vestales, Jonathan Nossiter s’attarde longuement sur Hubert de Montille, propriétaire de 8 hectares en Bourgogne et qui donne au film ses meilleurs moments. Arque bouté sur son terroir, sur des vins qui refusent la séduction immédiate et « ne vous laissent pas tomber en route », le viticulteur plein de malice, sentimental et un peu cabot aussi donne l’image d’un humaniste pour qui la vigne n’est pas concevable sans la civilisation. Sa première apparition, de dos, affirmant « Où il y’a de la vigne, il n’y a pas de barbarie » est de celles qu’on n’oublie pas. Hélas, la suite du documentaire se charge de le démentir pointant très nettement la collusion d’intérêts en Italie comme en France entre les grands propriétaires viticoles et le régime fasciste ou les autorités nazies pendant l’occupation. On ajoutera, pour être tristement lucide, que le camp de Gurs (camp de concentration dans les Pyrénées Atlantiques d'abord destiné aux réfugiés républicains espagnols, puis aux juifs) ne se situait qu’a quelques encablures du vignoble de Jurançon avec lequel le film s’ouvre.
Même si je soupçonne Nossiter de préférer les Anciens aux Modernes ( ne serait-ce qu’au regard de sa conclusion), je lui sais gré de laisser longuement s’exprimer chaque camp. Robert Parker, Michel Rolland, la famille Mondavi ne sont pas moins mis en valeur qu’Hubert de Montille ou Aimé Guibert (celui qui milita pour que la famille Mondavi (de puissants exploitants californiens) ne vienne pas s’installer à Aniane).
Comme souvent, et comme le documentaire à l’intelligence de nous laisser seul face à nos choix, je reste le cul entre deux chaises. Quand les Modernes promeuvent le jeu de la libre-concurrence, je suis tenté de basculer en leur faveur mais lorsque se profile le spectre du nivellement du goût ou que les voix discordantes sont balayées d’un revers de la main, je redeviens favorable aux Anciens. Je ne suis même pas sûr qu'une petite dégustation à l'aveugle pourrait me faire plus nettement choisir mon camp.
Comment conclure ce post sans lever le coude ?
Alors, pour finir, un petit toast offert par mon frère (celui qui le premier, m’incita à voir ce film) à tous les lecteurs de ce blog.

Rully

4 comments:

Eric Aussudre said...

L'air raréfié des cimes et ta passion des Smiths t'égarent, mon grand ! Tu voulais sans doute parler de Sideways avec le merveilleux Paul Giamatti

Anonymous said...

Honte à toi. Menetou Salon s'écrit avec un seul n, quant à arc-bouter!
Mais chacun le sait, l'orthographe n'est que pour les Anciens et chaque blog se doit d'être moderne.
J'adore tes contorsions pour plaire à tout le monde. Tu aurais dû être femme, et faire le plus vieux métier du monde.
A bientôt te boire, donc.

La censeur

Eric Aussudre said...

Je suis impardonnable sur Menetou Salon, un de mes vins préférés. Mais, piètre excuse, j'ai confondu avec la graphie d'un autre Mennetou, Mennetou sur Cher.

Eric Aussudre said...

Lorsqu'il s'agit d'un univers que je maîtrise mal, mon cher anonyme nantais, j'essaie d'écouter les arguments de part et d'autre et je refuse à ta différence de foncer tête baissée dans l'anathème. Et, à tout prendre, je préfère la position de la fille de joie (puisqu'en ces termes tu me désignes)à celui du Grand Inquisiteur bien assis sur ses certitudes !