« Petits bonheurs marginaux. Les grands naufrages collectifs ne sont jamais sans quelque contrepartie, qu’on oublie — par pudeur peut-être, ou remords d’en avoir profité au milieu du malheur général. Sous l’occupation allemande, le piéton jouissait d’un luxe de privauté inouï avec la grand’route, quelle qu’elle fût : on se promenait sur l’asphalte des routes nationales comme dans une allée de jardin (moi, sac au dos, sur les routes normandes et finalement, en mai 1944, revenant de Caen à Saint-Florent à bicyclette sans croiser pratiquement sur la route aucun véhicule).
Le clair de lune ressuscité sur les villes. Angers, par une nuit de pleine lune : la masse noire du château, les flèches noires de la cathédrale vue de la Doutre, les nuages au-dessus courant sur la lune enflammée, comme dans La Mort du loup, la Maine tapie, enténébrée, mais argentée et saliveuse à tous ses remous.
La vie, la circulation générale, raréfiées, engourdies, descendaient jusqu’à un étiage jamais atteint — au-dessus de cet étiage, des pans de nature brute, ensevelis, recouverts jusque-là par le mouvement et le vacarme, émergeaient plus nus que ces platures qui ne se découvrent qu’aux marées du siècle ; des silences opaques, stupéfiés, des nuits d’encre, des ruisseaux redevenus jaseurs, des routes désaffectées qui semblaient se recoucher dans un bâillement, et rêver de n’aller plus nulle part. »
Julien Gracq, texte inédit paru dans Le Monde du 5 février 2000
Ce matin, en prenant mon vélo pour me rendre au Collège, je pensai à ce texte rare de Gracq (quel texte ! Quel écrivain !). Je rêvai à l’identique d’une planète où la petite reine serait roi et où l’automobile serait bannie. Des cohortes de bicyclettes à l’image de la Chine des années 80 mais plus de 4 roues. J’aime conduire pourtant mais la péri urbanisation galopante a rendu les petites départementales de Charente Maritime aux heures de pointe aussi encombrées et dangereuses que le périphérique (enfin, au moins celui de La Rochelle). Bizarrement, je ne croise des cyclistes que le dimanche où lorsque j’approche de la ville. La semaine en campagne, je suis seul. Mais peut-être plus pour très longtemps…
P.S (à destinations du Civil Servant et des autres) : Everybody’s been burned (The Byrds)
6 comments:
Et bien merci cher Sonic (je vois que tu squattes l'espace de Mariaque pour passer tes mp3, il est gentil Jocelyn, plus que dans ses critiques filmiques).
J'écoute en même temps que je t'écris...
Ah écoutes faudra que je me la passe plusieurs fois, pour vraiment me faire une idée.
Tu vois c'est ça le malheur maintenant : il y a trop de musique, et vu le temps qu'il me faut pour entrer dans un univers, je suis obligé de laisser passer plein de choses. La plupart du temps c'est pas vital mais il y a des fois où, Mon Dieu...
Ah crotte ! J'ai vraiment cru que c'était un post sur le Tour de France... Je suis déçu, déçu, déçu...
Pour ceusses qui voulaient de la ligne de haute tenue sur le cyclisme, une seule adresse (même si en berne depuis octobre mais le rattrapage s'impose):
http://www.sporterotism.blogspot.com/
C'est pas Sonic qui me contredira !
Tu m'otes les mots de la bouche
Moi en revanche, je suis content qu'il ne soit pas question du Tour. "Festina m'a tuer" - et Armstrong, ce pourri, m'a achever.
C.
Dis donc Eric, ce n'est pas parce que ton billet a trait au vélo, qu'il t'es permis de laisser ce blog en roue libre.
Ecriture, mon vieux, écriture!
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