Wednesday, November 18, 2009

Marie 1973





Pour beaucoup de chanteuses populaires nées au succès dans les années 60, les années 70 furent rarement tendres. De Sandie Shaw à Cilla Black, de Patti Pravo à Rita Pavone, la liste est longue de celles qui, n'ayant été que des faire valoir dans les golden sixties, ne purent s'adapter à la mode grandissante des auteurs compositrices interprètes . C'est l'époque où Véronique Sanson, notre Carole King à nous, chantait, à fond dans l'air du temps, "Tout est cassé, tout est mort". La table rase de l'après-68 dut aussi passer par la chansonnette. Pour une Françoise Hardy, capable de se renouveler sans se trahir, combien de Zouzou, de Martine Kelly, de laissées sur le pavé encore tout tremblant des récentes échauffourées!
Malgré deux-trois hits furtifs en 1972, 1973, Marie Laforêt, n'échappa pas à cette charrette et il est significatif de constater que tous ses enregistrements pré 68 ont été correctement réédités alors que la plupart de ses albums postérieurs n'existent qu'en vinyl.
De 1963 à 1968, chez Festival, elle avait alterné les hauts très hauts (les délicieuses collaborations avec André Popp (Mon amour, mon ami en tête) et quelques singles de haute volée (Les vendanges de l'amour, Tu fais semblant)) et des bas assez terrifiants (ah, ses adaptations de Joni Mitchell ou Jagger-Richards). Et puis, en pleine gloire, elle claque la porte pour signer chez CBS, souhaitant tourner le dos à la pop qui fit son succès pour des reprises de titres appartenant au folklore latino ou yougoslave. CBS lui laissera enregistrer un album live de ce répertoire et puis constatant le peu de succès (justifié selon mon point de vue) de l'affaire (la pochette est splendide mais la musique est sans intérêt, reléguant (un comble) la voix de Marie au second plan au profit d'instrumentistes douteux) lui rendra sa liberté. Déçue, Marie mettra dans un mouchoir ses ambitions artistiques proto World Music pour enregistrer de la variété telle qu'on la pratiquait alors chez les Carpentier* avec un manque d'unité stylistique qui frise parfois la schizophrénie (le mélo le plus débridé côtoie l'Amour sous les palétuviers). Autant dire qu'il faut plonger dans les disques de ces années-là avec l'abnégation d'un ferrailleur dans une casse abandonnée. De cette brochette de disques Polydor, le moins inégal est peut-être Pourquoi les hommes pleurent (1973) avec L'amour à 16 ans**. Ce morceau est sans doute mon titre préféré de la miss (avec cette impudeur, ce tendre vibrato qui ne sont qu'à elle). Marie est une comédienne et ça s'entend : elle sait immédiatement trouver l'intonation juste (ce qui n'implique pas forcément la sobriété). J'aime beaucoup aussi Arlequin où elle retrouve Danyel Gérard, avec une belle guitare hypnotique hélas bientôt supplantée par des mariachis hystériques. On quitte toujours quelque chose ou quelqu'un est vraiment trop Il était une fois pour moi. Avec Le mal d'aimer, Une petite ville et Viens, viens, il faut faire abstraction de la musique, des paroles, des arrangements (rien que ça) et accepter les incroyables licences vocales qu'elle s'autorise (Marie est à la limite du cri dès qu'elle monte dans les aigus) et un pathos pas exactement contenu. Si on est prêt à ces sacrifices, et je sais que c'est beaucoup demander, on entre dans un nirvana kitsch où tout sens critique est aboli, où l'on "aime caresser des cheveux mouillés" et où "l'on se tient la main en guettant le train". Un peu comme l' équivalent sonore d'une relecture inattendue de courrier remontant à l'âge tendre.
Après, si votre disque préféré de 1973 est Future days de Can, je pense, vous m'aurez compris, qu'il est préférable de passer votre chemin !
* : on pense aussi aux incroyables écarts que commettait à la même époque un autre favori de ce bloggueur, Joe D..
** : C'est en écrivant ces lignes que j'ai fait le rapprochement entre la pénible Lisa Azuelos (sa fille) et l'actrice de Plein soleil : on entend hélas cette chanson dans l'impardonnable Lol!

3 comments:

Christophe said...

très intéressant.
ceci dit, avant de s'attaquer à "Marie Laforet pendant son déclin", je vais déja attaquer à "Marie Laforêt tout court".
quels sont ses meilleurs disques des disques des années 60 (si j'ai bien compris sa période dorée)?

en chanteuses françaises de l'époque, je ne connais guère que France Gall et Jeanne Moreau. deux registres très différents...

Eric Aussudre said...

Trop de scories pour qu'on puisse parler de période dorée...
Mais autant commencer par le volume 1 de l'intégrale Festival: Marie a 24 ans, que demander de plus ?

Anonymous said...

besoin de verifier:)