Saturday, July 30, 2011

Still loving Ally

Aurai-je jeté un oeil à Twice in a lifetime (Bud Yorkin, 1985) sans la présence d'Ally Sheedy au générique ? Probablement pas. Et j'aurai eu tort car le film mérite mieux que l'oubli quasi total dans lequel il est tombé (il n'existe à ce jour aucune édition en zone 2).
Harry MacKenzie (Gene Hackman) est un ouvrier dans la sidérurgie qui mène une vie rangée dans la banlieue de Seattle auprès de sa femme (Ellen Burstyn) et de ses trois grands enfants (Chris(Kevin Bleyer); Sunny(Amy Madigan) et Helen(Ally)) lorsque, le soir de ses cinquante ans, il fait une rencontre (Ann Margret) qui va tout bouleverser. Ni la Midlife crisis, ni la rupture et ses conséquences ne sont des thèmes bien nouveaux mais le traitement ici proposé mérite qu'on s'y attarde quelques instants. N'ayant pu obtenir l'aide des Studios, Bud Yorkin a produit lui-même ce film avec l'aide de sa compagnie, Tandem Productions. C'est sans doute ce financement indépendant qui explique la relative liberté de ton (enfin un film sans repentir ni réconciliation générale sur le générique de fin) et surtout (pour moi le plus précieux) l'absence de jugement moral du film. Bud Yorkin ne revêt pas la robe noire du procureur et donne aux personnages suffisamment d'épaisseur humaine pour qu'on puisse entrer en empathie avec chacun (Sunny(Amy Madigan) exceptée car trop d'une pièce). Un des autres intérêts de Twice in a lifetime est de nous offrir un aperçu plein de justesse de la low middle class , cette classe sociale qui n'apparait jamais dans les films français (on n'a souvent le choix qu'entre des parvenus en 4x4, des bobos qui se partagent des lofts dans le XIIe ou des chômeurs en fin de droit) ou alors atrocement défigurée (la série des Camping, D.I.S.C.O). Les séquences à l'usine, au pub, devant la télé (The price is right), au stade des Seahawks (le club de football américain de Seattle) et même dans la salle de bingo permettent de mieux comprendre le fonctionnement de la famille Mackenzie et partant des deux tiers des familles américaines. On pense parfois à Steel magnolias (1989) mais sans la touche sudiste ni le drame.
Pour valider cette justesse dans l'observation du quotidien, il faut de bons acteurs et le moins que l'on puisse dire, c'est que Bud Yorkin a fait mouche dans son casting(je mets à part une nouvelle fois Amy Madigan mais qui a pour elle de partager une ressemblance physique étonnante avec Ally). Les supporting actors sont du tonnerre (avec une mention particulière pour Brian Dennehy, acteur que je ne cesse de réévaluer depuis mon visionnement de Ten) et Gene Hackman est tellement vrai, tellement facile que c'en est gênant pour la concurrence. Il suffit par exemple de voir son auriculaire titiller son alliance pour comprendre le trouble qui le saisit avant de s'embarquer pour l'inconnu.

Et puis, bien sûr, il y a Ally, 8 mois simplement après le tournage du Breakfast club qui avait fait d'elle une demie-star (3 films rien que pour 1985, le troisième étant le très dispensable St Elmo's fire). Son rôle dans Twice in a lifetime est loin d'être le plus fouillé du film mais elle parvient à donner une rare intensité à quasiment chacune de ses interventions avec ce petit quelque chose de buté dans le regard qui n'est qu'à elle. La plus bouleversante de ces apparitions est lorsque Harry décide de quitter le domicile familial pour installer s'installer avec Audrey (Ann Margret) à Seattle. Harry balaie du regard pour la dernière fois la famille rassemblée dans la salle commune. L'ambiance est pesante et un panoramique balaie les regards de chacun des enfants et des gendres. Tout le monde à la gorge trop serrée pour parler. Helen (qui comprend à défaut d'approuver le choix de son père) se lève, s'approche d'Harry, ferme les yeux en signe de douleur, de paix mais aussi de profonde affection.



A moins d'être animé du plus parfait cynisme, je vous mets au défi de n'être pas secoué de sanglots spasmodiques sur votre canapé. Même succinctement, Ally confirmait ici cet incroyable potentiel auquel Hollywood hélas demeura presque totalement aveugle.

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