Sunday, September 11, 2011

Unsung hero


On oublie souvent le rôle crucial qu'a joué le DJ Dewey Phillips (sans lien de parenté avec le boss de Sun records) dans la genèse du mythe Elvis. Phillips animait les soirées de la radio WHBQ à memphis et s'attirait un large public avec son débit délirant et surtout une oreille très sûre pour détecter les nouveaux talents du Tennessee (Memphis constituant à l'époque un vivier particulièrement riche). Mais là où résidait sa profonde originalité, c'est qu'il enchaînait dans sa programmation du rythm'n'blues, de la country et du boogie-woogie. Dewey Phillips n'avait aucune œillère ethnique. Hank Williams pouvait parfaitement côtoyer Sister Rosetta Tharpe, ce qui à l'époque n'allait pas de soi. Si Elvis le 4 juillet 1954 dans les studios de Sun records entame une jam sur That's all right d'Arthur "big boy" Crudup, on peut être sûr que le môme d'Alabama l'avait entendu la première fois sur Red, Hot and blue, le show de Dewey Phillips. Il était donc tout naturel qu'il fusse le premier à diffuser l'acetate comprenant un seul morceau enregistré, That's All right mama. Dewey fut tellement emballé qu'il diffusa le single 11 fois dans son émission dont 7 fois de suite. Dans la foulée, il voulut interviewer le jeune prodige mais celui-ci craignant que la diffusion fut un flop, était parti se réfugier au cinéma. Vernon et Gladys durent ratisser les allées du théâtre pour retrouver leur fils et le rapatrier vers les studios de WHBQ. Elvis n'en menait pas large face à Daddy O' Dewey et ses réponses allèrent rarement au delà du hochement de tête mais il donna toutefois l'information cruciale qui allait permettre la réalisation du plan de Sam Phillips. En indiquant qu'il avait fréquenté la "Humes high school", il leva définitivement l’ambiguïté sur ses origines, ce que sa voix seule ne rendait pas possible. Le sud et partant l'Amérique avait enfin trouvé le passeur susceptible de transformer la sensibilité musicale de toute une génération. Je préfère et de loin cette image à celle de pillard dont on l'a parfois affublé.
Ce passage, cette rupture, je l'entends au plus profond au début du deuxième couplet de That's all right. Avec une incroyable urgence dans la voix, Elvis chante "I'm leavin' town tomorrow, I'm leavin' town for sure" ouvrant ainsi une boîte qui n'allait jamais se refermer.
Dewey, lui, qui avait accompagné depuis 1949 la naissance du rock'n'roll, ne survivrait pas à sa consécration. Incapable de s'adapter à l'établissement de normes strictes en matière de diffusion de hits, il perdit son émission en 1958 et déclina dans des shows au prestige de plus en plus mince. L'abus d'amphétamines et d'antalgiques provoqua une crise cardiaque fatale en 1968. Il n'avait que 42 ans, exactement l'âge du King en 1977.
Arthur "big boy " Crudup : That's all right
Elvis Presley : That's all right

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